mardi 22 novembre 2011

Pourquoi "je m'en branle" ?

Un tas d’expressions sont employées chaque jour, et aucune d’elles ne nous heurte particulièrement. Elles sont pourtant nombreuses à mériter le détour. Il sera consacré aujourd’hui à une expression qui semble symptomatique de notre époque : « je m’en branle ». Oui, mais pourquoi ?
Un vaste projet de masturbation ?
Un vaste projet de masturbation ?
L'expression "Je m'en branle"
Nous l’avons tous entendu au moins une fois. Il surgit au détour des conversations comme tant d’autres expressions, glissant avec insolence de bouches sans vergogne. C’est la même chose que « s’en moquer », « s’en ficher », « s’en foutre », « s’en battre le double détail qui fait que ma tante n’est pas mon oncle ». C’est une expression sans danger, instrument d’un langage jeune qui s’affirme, un peu comme si l’époque cherchait à se l’approprier en y apposant ses trouvailles plus ou moins délicates. Mais tout de même…  Quel rapport secret relie le désintéressement pour un sujet quelconque et cette stimulation experte de nos organes génitaux ?  Quelle corrélation entre la recherche d’un plaisir (solitaire dans ce cas précis) et l’indifférence à une situation ? Pourquoi "je m'en branle"?
Ces deux questions interrogent le rapport entre le sens littéral de l’expression et son sens figuré, aussi, essayons de l’analyser.
On pourrait partir de cette constatation : la chose se conclue par un rejet définitif de la réalité, car la conscience, toute agitée, se prélasse dans milles rêves le temps d’un bouillonnement. S’en branler ce serait donc se transporter sur un chemin de trouble jusqu’à l’oubli du monde (et donc de ce dont on se branle) dans la jouissance. On part au septième ciel, inutile se s’encombrer du fardeau de la lucidité. Il n’y aurait donc pas d’extase à s’en branler, simplement la volonté d’éclater un point de détail dans la violence d’une fin, de l'exécuter par la "petite-mort". Mais s’en branler c’est aussi rejeter quelque chose en le disposant, à travers l’expression, dans tout ce qu’à d’intime la fièvre de notre solitude. Cela ajoute également à la censure : je m’en branle et personne n’est convié au carnaval  du geste, car il serait honteux d’être aperçu portant cette grimace obscène, ce masque délirant. S’en branler donc, c’est refuser d’être vu avec ce dont on se branle, et de manière un peu paradoxale, s’en dissocier.
Voici donc posés les fondements de l’expression – ou plutôt les voilà inventés. Un des premier sens du mot « branler » vient d’ailleurs renforcer cette idée d’une fuite loin de ce qui ne nous intéresse pas, car il signifie d’abord – ne l’oublions pas –  « se remuer, se mouvoir ». Reste que l’histoire éclairerait certainement mieux la genèse de celle-ci (plus efficacement en tous cas que ces hypothèses avancées d’une main tremblante).
Poursuivons cependant : lorsque l’on porte cette image à sa bouche (qui a dit processus ?), notre intimité jaillit au visage du public qui bien souvent n’en demandait pas tant. Ce qu’il vient d’évoquer est réapproprié, enfermé à double tour dans l’obscurité moite d’une chambre ou de quelque autre retraite délicieuse et onctueuse, l’accouplement des deux mots accouchant vite d’un troisième sens : délictueuse. En effet, s'en branler ce n’est pas simplement ignorer, c’est aussi repousser dans la criminalité le sens d’une parole qui gicle par-là dans le bain brulant du débauché, du sybarite, de l’immoral. L’onanisme, ce « vice solitaire », ne fut-il pas combattu et condamné à travers les âges par la religion et même la médecine ?  L’usage subtil de la formule jette donc un anathème sur ce qu’elle cible : on enveloppe tout dans un mouchoir et on s’en débarrasse vite dans la poubelle du tabou. Ce qui est grossier dans la forme doit bien l’être aussi dans le fond, alors oublions-le, détournons le regard !
Cette myriade de « je m’en branle – on s’en branle » pénétrant les oreilles à l’envie n’est donc pas la conséquence d’un vaste projet de masturbation, simplement une façon sympathique d’exprimer son plus parfait mépris. Peut-être est-il possible d’y voir le germe d’une révolte sémantique : pour augmenter son impact l’expression vient flirter avec les mœurs, les secoue de haut en bas afin d’interdire à quiconque de saisir ce qu’elle cherche à évacuer. Mais ce serait accorder trop d’importance au sens premier : qui oserait imaginer la joyeuse extase de son interlocuteur alors que celui-ci use de la formule ? Personne, hormis peut-être quelques fanfarons qui trouvent dans les mots une distraction, ou d’autres qui les astiquent sans cesse en espérant leur rendre un lustre qui semble menacé par les remous fantaisistes de la vulgarité. « J’m’en branle », véritable coup de verge cinglant la noblesse de la langue ? L’image, si elle est équivoque autant que licencieuse, a le mérite de rappeler que la parole marie des partenaires dans une relation d’échange. Reste à savoir jusqu’à quel point ceux-ci désireront la protéger...

2 commentaires:

  1. Bonne chance pour votre campagne!

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  2. Moi, j'aime me branler devant les filles sa me dérangent pas du tous au contraire (y) I LOVE SEXX

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