lundi 7 novembre 2011

L'anti-blog #1 (septembre-octobre 2011)

Chaque mois, l’avocat du diable de Pense-bête(s) envoie les articles publiés sur le blog à l’abattoir. La règle : un paragraphe assassin par texte, et pas de quartier.
Alors comme ça, un énième blog se lance. Ou plutôt se relance, comme un has-been cramé depuis trente ans qui inflige à son (non-)public une affligeante tournée d’adieu.
La complainte du blagueur
Comme pour se disculper d’avance, il nous assomme d’entrée d’un pamphlet anti-blog (oui, il ose !) absolument démagogique et non loin du conspirationnisme : selon l’auteur (anonyme, bien entendu), les blogueurs seraient d’hypocrites tyrans imposant tranquillement leurs vues sur le monde aux passifs moutons de Panurge que nous sommes… Mais pour qui se prend-il pour s’exclure de fait de ces tyrans blogueurs, et prétendre qu’on devrait l’écouter, lui ? Qu’est-il donc de plus qu’un blogueur, sinon un grand blagueur qui ne fait rire personne ? La boucle logique de bas étage par laquelle il conclut son texte est symptomatique de son attitude péremptoire : « critiquez-moi, et vous confirmerez mon opinion sur votre tyrannie ». Un argument-massue victimaire et dépourvu de toute intelligence qui ne risque pas de relever le niveau de sa réflexion.
Rentrée sans classe
Passons sur ce péché originel, et prenons-le comme une simple erreur de jeunesse. Voilà que nous apparaît comme un cheveu sur la soupe une réflexion affreusement grossière sur la rentrée des classes publiée… un 26 septembre ! Un marronnier bien pâle comme prétexte à une logorrhée stylistique qui réussit l’exploit d’occulter la minceur de son argument. A moins que la conclusion à laquelle nous arrivons péniblement – « il faut maquiller la rentrée selon son goût » – ne soit pas une boutade ? L’auteur serait-il coincé dans le deuxième millénaire pour ne pas soupçonner l’existence de téléphones portables, d’e-mails et de messages Facebook échangés entre le 30 juin et le 1er septembre ? Son rapport visiblement traumatique à l’école et à l’Autre lui permet-il de voir autre chose que de l’hypocrisie, de la lâcheté et de la superficialité dans les rapports humains ?
Antédiluvien
Difficile après cela de s’étonner de la vision étriquée des conversations entre amis que nous livre l’hilarant traité sur la pluie et le beau temps. Il faut en effet avoir vécu bien loin de toute chaleur humaine pour oser prétendre qu’il est devenu interdit d’émettre la moindre opinion en public. A l’ère de l’individualisme et de l’égoïsme généralisé, ce portrait d’une humanité timide et docile a de quoi faire sourire. Et quand bien même ce constat serait-il-il avéré, combien de siècles l’auteur a-t-il vécu pour oser le confronter au passé et prétendre qu’il est le produit de la modernité ? N’a-t-on pas toujours parlé de la pluie et du beau temps ? Quant aux soi-disant « preuves » produites par l’auteur – un slogan de tour-opérateur, une subjectivité télévisuelle et une confiance en soi visiblement embryonnaire –, elles sont loin de rattraper la rancœur qui guide sa plume du début à la fin de son texte.
Eau de prose
Mais qu’est-il arrivé à l’auteur le lundi 3 octobre ? Son petit cœur de pierre fièrement exhibé depuis lors se serait-il ramolli avec la distance, ou envisagerait-il de se reconvertir dans les romans pour adolescents ? Bien entendu, prenant conscience de son naufrage, il se raccroche à de vieux lais moyenâgeux, pensant ainsi nous faire oublier la propre mièvrerie de ses propos. Le naïf pense se rattraper en nous pondant à la va-vite une introduction autodestructrice – « L’auteur a écrit sous la contrainte » –, mais semble trop faible pour faire le choix de ne pas publier cette « mélasse » gorgée « d’eau de rose ».
Au goulag !
On ignore si l’auteur du brûlot anti-musique électronique est jeune, mais il a en tout cas un réel problème avec la jeunesse. Pour une fois qu’elle s’enthousiasme pour quelque chose, voilà qu’on la flingue pour cause d’hédonisme et d’uniformisation ! Une fois encore, on a vite oublié que les époques précédentes ont eu leur lot de grandes messes musicales sans intérêt et n’en ont pas moins survécu. Sur quoi se base-t-il pour diagnostiquer une « atomisation des individualités » chez cette génération « à l’abandon », sinon sur de vagues clichés ? Quand au rapprochement de la techno et du communisme, la seule utilisation d’un champ lexical du collectivisme est loin de suffire à soutenir une thèse de cette grossièreté : par pitié, que l’auteur se garde de nous infliger ce genre de gargarisation à l’avenir !
Puant
Nous passerons assez vite sur la démagogie scatophile de « J’essuie, j’existe », car il s’agit du recyclage dissimulée – et donc malhonnête – d’une pseudo-méditation métaphysique déjà publiée ailleurs. Il est bien beau de prôner un retour du corps au centre de la vie humaine à grands renforts de grossièretés, encore faut-il en tirer toutes les conséquences : qu’il renonce une bonne fois pour toute à tremper sa plume dans la fiente des latrines tant idolâtrées avant d’écrire ses prochains textes…
Le plus grand cabaret de la blogosphère
On savait l’auteur cynique, gérontophile et asocial, nous le découvrons maintenant politiquement désabusé dans une réflexion à vocation surplombante sur 2012. La belle jambe ! Alors comme ça, tout ce cirque présidentiel ne servirait qu’à entretenir l’illusion quinquennale, sans aucun effet sur la vie des gens. On n’est guère loin du « tous pourris » et des refrains entêtants de Patrick Sébastien. Quand on pense qu’il critiquait il y a un mois à peine la démagogie des blogueurs… Mais ce qui est encore le plus gênant, c’est l’insupportable misogynie qui transparaît de ces lignes. Le blagueur semble incapable de s’émanciper d’une imagerie phallique dépassée, incapable de considérer la Femme-République – puisque c’est ainsi qu’il la perçoit – comme autre chose qu’une esclave sexuelle, un trou béant de cinq ans que l’on devrait absolument remplir – en témoigne sa note de bas de page, dans laquelle l’homophobie le dispute au sexisme.
De mèche avec la bêtise
Une tendance visiblement bien ancrée, au vue de la teneur de l’article récemment consacré aux coiffeurs. Celui-ci se contente de reproduire les stéréotypes caricaturaux véhiculés par la vulgate, en y adjoignant une bonne dose de victimisation. Si l’auteur a un problème avec son apparence (ce que l’on commence à comprendre), on espérait qu’il ait assez d’intelligence pour ne pas en faire pâtir un malheureux bouc-émissaire. A croire qu’il n’ose s’attaquer qu’à ceux dont il présume qui n’ont pas les moyens de se défendre : une belle leçon de dignité…
Amicalement autre
Nous finissons enfin ce mois sur une agréable surprise : l’auteur vient de découvrir l’existence de l’Autre dans une file d’attente du cinéma ! Il n’ose certes pas encore lui adresser la parole, se contentant d’épier ses conversations, mais au moins prend-il conscience que ses semblables sont autre chose qu’une chair à canon pour ses pamphlets. De quoi laisser présager un mois de novembre plus apaisé ? Rien n’est moins sûr…

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